Paco et Pitac en été aux Écuries de Jo'ïa

La Vie Sociale des équidés

Les anglo-saxons parlent des 3 F : Friends – Forage – Freedom. En France nous n’avons pas encore de moyen mnémotechnique équivalent. Qu’il en soit ainsi, traduisons-les pour le bien de cet article : Vie sociale – Fibres – Mouvement.

Les Écuries de Jo’ïa sont bâties sur ces trois grands préceptes. Notre idée est de faire évoluer les codes des hébergements classiques à la force de notre volonté de respecter ces trois indispensables.

Dans une série de trois articles, Friends / Vie sociale, Forage / Fibres et Freedom / Mouvement, nous partageons notre vision de ces piliers ainsi que la façon dont nous les mettons en place au sein de nos écuries.

Ce premier article est consacré au premier précepte.

La Vie Sociale des équidés

Le cheval est un animal sociable. Doté d’un fort instinct grégaire, il a besoin de vivre en groupe pour y trouver les interactions nécessaires à son bien-être ou à son bon développement physique et émotionnel pour les plus jeunes d’entre eux.

Ils communiquent silencieusement, par le biais de leurs corps, de leurs postures, de leurs signaux, mais aussi par de vrais moments de contact. Qu’il s’agisse d’un grooming amical, d’une partie de jeu ou d’une « agression », le contact est une donnée importante dans la vie des chevaux.

Cette vie en groupe peut avoir quelques incidences 😊. Avoir un cheval membre d’un troupeau de plusieurs équidés c’est prévoir son lot de crèmes cicatrisantes pour estomper les deux ou trois coups de dents de la partie de jeu de la veille. C’est aussi s’acheter une bonne paire de bottes et travailler sa capacité cardiovasculaire pour aller chercher son cheval au fond du pré.

Gardons bien à l’esprit que la vie de nos chevaux continue lorsque nous rentrons chez nous après une séance de travail ou de pansage. Jusqu’à notre prochaine visite, il s’écoulera au minimum 20 heures. Assurons-nous que leur cadre de vie soit le plus agréable possible le reste du temps. Et pour cela, les copains aident énormément.

Etudes réalisées sur le sujet

Les besoins fondamentaux des chevaux - Helene Roche

Dans son étude réalisée en 2014, Hélène Roche, éthologue et conférencière française, aborde la vie sociale des équidés de manière générale, sans différenciation d’âge. L’étude d’Hélène met en lumière les comportements déviants pouvant survenir sur des chevaux isolés socialement (agressivité ou émotivité, stress, comportements stéréotypés tels que les tics au boxe, etc.). Nous y découvrons également comment l’instauration de moments de contacts sociaux chez les chevaux améliore leurs comportements.

Une seconde étude, réalisée par une équipe de chercheurs de l’INRA en 2019, tend à remettre en cause l’isolement social des jeunes chevaux lors de leur mise au travail. L’observation des activités quotidiennes des 32 sujets suivis de leurs 4 à leurs 6 ans, démontre les bienfaits d’un développement social proche des conditions naturelles dans la maturation comportementale des jeunes chevaux. L’étude conclue qu’offrir à de jeunes chevaux une vie en groupe et un environnement enrichi (pâturage actif et passif, interactions sociales, mouvement, etc.) serait susceptible d’avoir un effet bénéfique sur leurs performances physiques et leurs interactions avec les humains.

« Friends » aux Écuries de Jo’ïa

Nous avons, aux Écuries de Jo’ïa, fait le choix de constituer des troupeaux par affinités, avec la volonté de respecter la personnalité de chacun. Nos pensionnaires évoluent donc en troupeaux mixtes, mélangeant les hongres, les juments, les poulains, les jeunes chevaux et les adultes ; mais également Keops notre étalon, qui vit avec ses copains hongres.

Ainsi, nous sommes témoins des classiques moments de grooming par affinité, des grandes parties de jeu entre garçons, des siestes collectives sans contact, des mouvements de groupe pour changer d’activité, etc. Nous assistons également chaque jour à des moments nous permettant de voir à quel point cette mixité est importante :

Merlin, 22 ans, joue avec Kharael, 2 ans quand My Hope, 5 mois, lance des parties de jeux avec ses tontons âgés de 2 à 22 ans.

Blue, maman de My Hope, est heureuse de sortir de son abri le temps d’un pansage, perdant son poulain de vue sans stress, le sachant protégé par le reste de sa grande famille.

Keops, étalon de 4 ans, joue avec ses copains Don Marco et Elmer, lui permettant de s’épanouir comme chacun de nos pensionnaires.

Virkea, Pumpkin et Vulcane font leurs siestes quotidiennes au soleil entre copines, en endossant le rôle de surveillante à tour de rôle.

Les besoins fondamentaux des chevaux - Les Vie Sociale des équidés - Aux Écuries de Jo’ïa

Nos conseils pour favoriser la sociabilisation 

La vie sociale des équidés est leur essence la plus fondamentale. Leur laisser cette liberté, c’est aussi les respecter entièrement et respecter leur nature. Mais la vie en groupe au quotidien n’est pas toujours envisageable (manque de terres, chevaux incompatibles, chevaux ferrés, propriétaires stressés à l’idée d’une blessure, etc.).

Voici quelques conseils favorisant la sociabilisation de votre cheval :

  • Des chevaux qui vivent chaque jour en boxe à boxe, se connaissent déjà. Aussi, le voisin préféré de votre cheval peut être son premier copain de pré.
  • Commencez par une mise en contact en zone protégée ; deux paddock voisins feront l’affaire. Démarrer par des contacts physiques au travers d’une clôture basse permet aux deux copains d’accéder franchement à l’encolure de l’autre. L’accès à cette partie du corps favorise des moments d’échanges tel que le grooming (activité aux vertus innombrables pour votre équidé).
  • Après quelques jours, nos deux comparses peuvent maintenant partager le même espace. Idéalement, prévoyez, en amont, une séance de travail commune ou une balade avant de les amener, ensemble, dans le même pré.
  • Pour une première mise en contact, assurez-vous qu’il y ait de l’herbe, ou à défaut, apportez un peu de foin. En cas d’émotions fortes, les deux copains auront la possibilité de focaliser leur attention sur une activité calme et apaisante.
  • /!\ Point d’attention /!\ Attention aux chevaux ferrés des postérieurs /!\ Des chevaux en manque de codes sociaux peuvent avoir des réactions parfois exagérées lors d’un premier contact. Cependant, les coups de pieds sont un des moyens de communication usuels des chevaux. Pas de panique donc si le premier rendez-vous est un peu sportif. Pour favoriser une sociabilisation sereine, nous ne pouvons qu’encourager le déferrage des postérieurs de votre cheval 😉.

Un copain qui permet à votre cheval d’avoir une vie sociale est déjà un grand pas en avant pour l’amélioration de son bien-être. Si vous avez un cheval isolé socialement qui présente des problèmes au travail (hors problèmes locomoteurs), des problèmes de comportement, des tics au boxe, des problèmes d’ulcères, de la dermite, un stress omniprésent, une agressivité envers ses congénères ou vers l’humain ; la re-sociabilisation est une piste sérieuse à envisager.

Conseil bonus : Pour la constitution de vos troupeaux, veillez à identifier les profils de chevaux compatibles. Évitez, par exemple, de mettre deux hongres très dominants ensemble. Respectez une proportion de juments plus importante que celle des hongres, comme dans la nature, afin de limiter les bagarres de compétition vis à vis des juments. Autant que faire ce peut, mixez les âges des membres du troupeau pour avoir des interactions riches.


À retenir

  • Les chevaux sont des animaux dotés d’un fort instinct grégaire ayant besoin de contacts sociaux riches (visuel, olfactif, moments de réels contacts physiques quotidiens).
  • L’isolement social des chevaux est à la base de nombreux problèmes comportementaux (agressivité, stress omniprésent, etc.), de problèmes de santé (ulcères gastriques, coliques de stress, dermite, etc.) et favorise l’apparition de comportements déviants tels que les tics.
  • La re-sociabilisation d’un cheval est possible à tout âge peu importent sa race, son passif ou son sexe (oui, les étalons entrent dans cette case !).
  • De vrais contacts physiques quotidiens (mise au paddock par exemple) avec un copain sont déjà un vecteur d’amélioration du bien-être de votre cheval.
  • Mettre des chevaux en contact dans des espaces artificiels, dont les groupes sont choisis et créés par des humains, n’est pas chose anodine. Veillez à respecter quelques étapes clefs pour une sociabilisation sereine et agréable.
  • /!\ Attention aux chevaux ferrés des postérieurs /!\ Les coups de pieds sont un des moyens de communication naturels des chevaux. Pour favoriser une sociabilisation sans gros bobos, nous ne pouvons qu’encourager le déferrage des postérieurs de votre cheval.
  • Chaque gardien tâche de faire de son mieux avec son cheval, au travers de ses croyances, de ses valeurs, de son expérience et de ses appréhensions. Vous serez dans le vrai si vous suivez ce que la nature dicte. Concernant les chevaux, la nature dicte de les laisser être des chevaux, avec d’autres chevaux 😉

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